21.12.22

L’appel du phare

A l’extrémité Nord-Ouest de l’île de Ouessant domine le feu le plus puissant d’Europe, phare définissant la ligne de départ du Trophée Jules Verne. Conçu en 1863 par les ingénieurs Rousseau et Maîtrot de Varennes, Créac’h signale jusqu’au milieu de la Manche, l’atterrissage sur les côtes bretonnes.

Depuis les temps lointains, l’Homme de mer n’avait pour tout repère que la terre et ne s’éloignait que rarement de la vue des côtes. Et lorsqu’il fallut traverser les flots fermés comme la Méditerranée, sillonner les bras de mer comme la Manche, passer les colonnes d’Hercule (détroit de Gibraltar), longer les océans jusqu’à Thulé (en Islande) ou le cap Bojador (en Mauritanie) à la recherche de nouvelles voies commerciales, il fut aussi nécessaire de retrouver son chemin au retour… Sur l’île de Pharos fut ainsi érigée par Sostrate de Cnide au 3ème siècle avant JC, la première tour à feu pour signaler l’entrée du port d’Alexandrie, un feu d’une hauteur probable de cent mètres éclairant faiblement la nuit mais propageant une fumée visible à des dizaines de kilomètres le jour ! Entretenus par du bois et de l’huile, la lumière et les effluves se propageaient à l’horizon pour devenir un amer remarquable, un point de référence pour pallier aux incertitudes de la navigation à l’estime, à des caps hasardeux moult fois mis en cause par des vents capricieux et des mers hostiles… 

En France, plusieurs feux furent mis en service par les Romains à Marseille, Fos, Fréjus puis dès le 5ème siècle, sur les côtes du Nord à Calais, à Boulogne, à Dieppe… Mais ces points de signalisation n’étaient pas toujours entretenus, ni permanents et leur visibilité restait bien réduite quand la pluie, le vent, le brouillard étaient de la partie ! Cordouan, « le phare des rois et le roi des phares » à l’entrée de la Gironde, fut le premier construit en pierre, achevé en 1611 après vingt-sept ans de travaux… En mer d’Iroise, seuls les moines de l’abbaye de Saint Mathieu entretenaient un feu à l’huile d’olive puis à l’huile de poisson… 

Le feu le plus puissant d’Europe

Sous l’impulsion de Vauban, un phare fut bâti sur la côte Sud-Est de Ouessant en 1695 mais il n’était allumé que du 1eroctobre au 31 mars car il consommait chaque mois, quarante barriques de charbon de terre, une corde et demie de bois, trois cents fagots et trois livres de chandelle ! Et il fallut attendre le 19ème siècle pour que le réseau des phares des côtes de France soit développé, en particulier grâce à l’invention des systèmes lenticulaires et des prismes d’Augustin Fresnel (1788-1827), à l’attribution aux Ponts et Chaussées de la gestion du balisage de France (7 mars 1806) et à la création d’une Commission du Service des Phares (1811). Un vaste programme de construction fut alors engagé : trente nouveaux phares éclairèrent l’horizon breton entre 1835 et 1861 ! Mais il fallut encore patienter pour qu’un nouveau programme édifie des feux d’entrée de port, mais aussi Créac’h et les premiers phares en mer (La Vieille, Armen, Pierres Noires, Le Four). 

Débutée en 1859, la construction d’un amer lumineux au Nord-Ouest de Ouessant s’acheva en décembre 1863 avec la mise en service de Créac’h, qui fut électrifié en 1888 puis doté d’un feu-éclair (éclat d’une durée inférieure à quelques dixièmes de secondes) en 1895, d’une lampe au xénon en 1971, puis en 1995 de quatre lampes aux iodures métalliques de 2 000 Watts ! Cette tour de 55 mètres au dessus du sol est facilement identifiable par ses bandes noires et blanches horizontales et culmine au-dessus du niveau de la mer à 72 mètres, ce qui lui permet avec 12 millions de candelas, d’avoir une portée de feu de plus de 60 kilomètres par temps clair ! Un navire au milieu de la Manche peut ainsi apercevoir les pinceaux des feux de Créac’h et de Lizard (distants de plus de 100 milles nautiques) qui forment d’ailleurs la ligne virtuelle du départ et de l’arrivée du Trophée Jules Verne… Au pied du phare, l’ancienne salle des machines de la centrale électrique accueille le Musée des Phares & Balises depuis 1988.

Phare de Créac’h (Ouessant, France)

  • Position : 48° 27,61 Nord – 5° 07,656 Ouest
  • Rythme : 2 éclats blancs toutes les 10 secondes
  • Mise en service : 19 décembre 1863
  • Concepteur : Mr. de Carcaradec 
  • Ingénieurs : Mrs. Maîtrot de Varennes et Rousseau
  • Constructeur : Mr. Tritschler
  • Hauteur au sol : 54,85 mètres
  • Élévation par rapport au niveau de la mer : 71,60 mètres
  • Optique : quatre lentilles de deux panneaux chacune au 2/9, d’une focale de 65 cm dont la disposition sur deux étages est unique en son genre. Éclairage par lampes aux iodures métalliques haute puissance de 2000 W
  • Portée lumineuse : 32 milles nautiques

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