Le Maxi-trimaran Sails of Change, en stand-by depuis le 24 octobre 2022 pour une nouvelle tentative sur le tour du monde à la voile, le Trophée Jules Verne, a rejoint Brest ce jour. Un convoyage depuis La Trinité/mer qui s’est déroulé sans accroc dans un flux de Sud modéré. Désormais à poste près de Ouessant, le bateau et son équipage attendent une fenêtre météo favorable pour rallier la longitude du cap de Bonne-Espérance en une douzaine de jours.
Par trois fois, Yann Guichard et son équipage avaient tenté ce record : en 2015 (47j 10h 59’) avec Dona Bertarelli devenue ainsi la femme la plus rapide autour du monde, et en 2019 (abandon sur bris de safran après l’archipel des Kerguelen, puis abandon pour perte de contrôle du safran). Or le Trophée Jules Verne a été raccourci en 2017 lorsque IDEC Sport et son équipage ont bouclé le tour de la planète Terre en 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes. Et ce parcours autour du monde est devenu au fil des tentatives (plus de trente en moins de trente ans !) de plus en plus difficile à améliorer : ainsi à l’origine sur l’Atlantique Nord, les départs s’effectuaient au cœur d’une tempête. Puis les équipages ont compris que le but était plutôt d’aller vite sur le dos d’un anticyclone… Et pour le tour du monde, l’équateur en moins d’une semaine était l’objectif jusqu’aux années 2010 alors qu’à ce jour, le but est d’atteindre la longitude du cap de Bonne-Espérance en une douzaine de jours !
UN TOUR DU MONDE EN TRANCHES
De fait, il y a plusieurs tronçons sur ce parcours d’un minimum de 21 600 milles orthodromiques (route directe qu’aucun voilier ne peut suivre à cause des vents dominants) : il faut d’abord traverser l’Atlantique du Nord au Sud… en passant par l’équateur, première borne du Trophée Jules Verne. Atteindre le cap de Bonne-Espérance en moins de douze jours, cela signifie partir avec du vent de secteur Nord, accrocher les alizés portugais, franchir la ligne de démarcation entre les deux hémisphères en moins de cinq jours et demi ! Puis contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène en passant du vent de Sud-Est (Fernando de Noronha) au Nord-Est (au large de Rio de Janeiro) afin de débouler très rapidement vers les Quarantièmes Rugissants. Alors l’océan Indien s’ouvre aux étraves.
Car si la descente peut s’annoncer favorable, le record autour du monde se joue pour beaucoup au passage du cap de Bonne-Espérance. Sails of Change (ex-Spindrift 2) est déjà détenteur du meilleur temps entre Ouessant et l’équateur lors de sa deuxième tentative début 2019 (4j 20h 07’), mais c’est l’enchaînement dans l’Atlantique Sud qui déterminera sa capacité à améliorer le temps de référence au passage du cap de Bonne-Espérance pour entrer dans l’Indien avec de l’avance. Il faut ensuite compter environ six jours pour le transpercer jusqu’au Sud de la Tasmanie, puis huit jours supplémentaires avant de franchir le cap Horn !
Et arrivé là, ce n’est pas fini, loin de là… Il faut remonter tout l’Atlantique, de préférence en longeant les côtes argentines (au moins une semaine) et débouler comme un coup de canon jusqu’à Ouessant (autour de six jours). Certes en cumulant les meilleurs temps réalisés par différents voiliers sur ces différentes tranches, on arrive à 38 jours 16 heures 36 minutes ! C’est pourquoi la décision de partir est aussi complexe car une fois sur le parcours, il n’y a plus d’alternative…
UNE LOGIQUE PARTICULIERE
« IDEC avait eu des conditions plutôt brillantes dans l’océan Indien et lors de la remontée de l’Atlantique ! Donc il ne faut pas être en déficit au cap de Bonne-Espérance parce que cela sera dur de rattraper du temps ailleurs… Il y a moyen de gagner du temps sur la descente de l’Atlantique et sur la traversée du Pacifique, mais c’est tout. On peut donc améliorer le temps de référence en descendant vers l’Afrique du Sud et dans le Pacifique, c’est tout ! Pour le reste, faire le même temps que le tenant du titre, que le tenant du titre ce serait déjà pas mal. Pour le moment et dans les prochains jours jusqu’à mi-novembre, il n’y a pas de fenêtre météo de départ, parce que les alizés sont faibles voire inexistants et que le vent de secteur Sud est établi sur l’Europe de l’Ouest… » dixit Jean-Yves Bernot, routeur à terre de Sails of Change.
« Pour l’instant, il n’y a pas d’ouverture dans l’Atlantique Nord parce que les alizés ne sont pas franchement installés : il faut être patient. Rappelons qu’IDEC et son équipe étaient partis assez tardivement ! Et il est préférable d’être en stand-by à Brest, parce que nous gagnons une demi-journée environ de projection météo… » ajoute Benjamin Schwartz, navigateur de Sails of Change.
Ce tour du monde, passé en un quart de siècle de 79 jours 06 heures et des poussières (Commodore Explorer en 1993) à un peu plus de 40 jours, a la plupart du temps nécessité deux, voire plusieurs tentatives avant d’être amélioré successivement par Peter Blake et Robin Knox-Johnston (Enza New Zealand en 1994), Olivier de Kersauson (Sport Élecen 1997), Bruno Peyron (Orange en 2002), Steve Fossett (Cheyenne en 2004), Bruno Peyron (Orange 2 en 2005), Franck Cammas (Groupama 3 en 2010), Loïck Peyron (Banque Populaire V en 2012) et finalement par Francis Joyon (IDEC Sport en 2017) …
Équipage du maxi trimaran Sails of Change :
- Yann Guichard (skipper)
- Dona Bertarelli (reporter embarqué)
- Benjamin Schwartz (navigateur)
- Xavier Revil (chef de quart)
- Jacques Guichard (chef de quart)
- Thierry Chabagny (barreur-régleur)
- Grégory Gendron (barreur / régleur)
- Julien Villion (barreur / régleur)
- Pierre Leboucher (numéro 1)
- Christopher Pratt (barreur / Régleur)
- Clément Giraud (numéro 1)
- Jean-Yves Bernot (routeur à terre)